5 ans après Mass Effect 3, et surtout après des départs en cascade chez Bioware, Mass Effect Andromeda était attendu avec inquiétude et envie. Inquiétude du fait de la présence d’une toute nouvelle équipe aux commandes, Bioware Montreal, et envie de la découverte d’une toute nouvelle galaxie peuplée de races et de biotopes encore jamais vus. Mais l’inconnu n ‘est pas venu de là où il était espéré.
La trilogie Mass Effect a marqué le jeu vidéo pour de nombreuses raisons : la notion de voyage, un défrichage de certains thèmes peu abordés, une écriture de qualité et une ambiance de space-opera humain unique. Un ensemble d’éléments qui, séparément ou conjointement, définissent ce qu’est la série. Et ce, même si certains épisodes renforcent ou atténuent ce cadre. L’opportunité de Mass Effect Andromeda était donc double, faire évoluer ces présupposés et surtout y jeter une grosse poignée de nouveaux éléments destinés à enrichir son univers et faire travailler l’imagination du joueur. Une nouvelle galaxie entière comme un terrain de jeu vierge et la porte ouverte aux plus folles idées, comme des moyens de communications aliens inédits, des espèces qui questionnent la vision anthropomorphique classique, ou encore des civilisations vivant dans des milieux improbables. Tout était à inventer et Bioware Montreal a utilisé la fameuse technique de l’étudiant à la bourre un dimanche soir, l’écriture automatique pour rendre la copie à temps ; efficace mais vide.
C’est le plus grand choc en parcourant les systèmes de Mass Effect Andromeda, cette facilité incroyable de conception, où peu de choses surprennent. Elcors, Hanaris, Rachnis, toutes ces races qui avaient leur propre rapport au monde, dicté par leur apparence et leur adaptation n’ont plus aucun équivalent. D’un strict point de vue visuel, les Angaras et les Kerts ont leur petit style, mais restent des déclinaisons d’un schéma déjà vu. Et tout le monde se comprend tranquillou, et personne n’est plus que ça étonné de voir débarquer des aliens armés depuis la Voie Lactée. Comme dans No Man’s Sky, Mass Effect Andromeda souffre d’une erreur de conception terrible, celle de ne jamais donner l’impression d’être un pionnier.
Le sentiment que tout a déjà été découvert, que tout est déjà balisé, adapté même, retire un rouage fondamental de la promesse initiale, brisant sa mécanique. Malheureusement ce n’est pas tout. Avec le retour tonitruant du Mako – véhicule tout-terrain – ici nommé Nomade, l’arrivée de planètes calibrées pour l’exploration est la logique même, et c’est une petite poignée d’entre elles qu’il est possible de visiter. Certaines se limitent à une ville, comme la verdoyante Aya, tandis que d’autres prennent la forme d’un mini monde-ouvert gorgé de points d’intérêt et de quêtes, comme Voeld ou Eladeen. C’est dans ces dernières que le Nomade trouve une utilité, permettant de se grimper collines et reliefs variés afin d’accéder aux divers objectifs proposés. Souple et agile comme une gazelle qui aurait 6 pattes, l’engin est un réel plaisir à piloter, les retournements et autres cascades n’ayant quasiment aucune conséquence. Bien pourvues en avant-postes et en colons qui ne cessent d’avoir des problèmes, ces planètes fonctionnent autour d’un hub central, une ville ou une base et sont constellées également d’événements dynamiques, comme des attaques de pirates, contrebandiers ou Kerts.
De quoi donner un peu de vie dans un univers qui semble parfois stérile. Mis à part quelques feuilles qui bougent et deux trois bestioles qui sont par définition agressives sans aucune raison, rien n’habille ces mondes visités. Ils agissent comme de simples décors, certes bien jolis et étendus, mais où l’interaction, l’immersion se limitent à de la bête collecte de ressources. Un côté MMO en solitaire qui s’étend également aux quêtes secondaires disponibles, d’un inintérêt total et qui ne font que du remplissage forcé.
Le vrai souci étant que les quêtes « principales » ne font souvent pas beaucoup mieux. Atteint elle aussi du syndrome de la conception précipitée, la quête centrale de Mass Effect Andromeda manque de surprises, de rythme et de rebondissements. Pire, elle est noyée dans une ambiance de springbreak spatial qui tranche avec le propos lourd et symbolique de l’établissement d’un futur viable pour des civilisations entières. Certaines séquences épiques parviennent à se sortir de ce marasme et les missions de loyauté tirent le jeu vers le haut, mais la majorité des moments catalogués comme importants sonnent faux dans un espace bien trop silencieux. La faute a une écriture d’un niveau décevant, surtout face aux dernières productions de Bioware Edmonton et aux habitudes du studio principal en général. L’intérêt de la série Mass Effect n’a jamais été son scénario global, plutôt cliché et très marqué par l’image américaine du christ rédempteur malgré de bonnes trouvailles. La force de la franchise est d’emmener le joueur dans un voyage vers l’inconnu, musclé par le poids d’un destin, aux côtés d’un vrai groupe de types badass, attachants, fascinants. Un grand moment de dialogue entre le jeu et le joueur, qui a une importance toute particulière dans un contexte d’incompréhension de fond entre races.
Une émulsion qui semblait naturelle grâce à une expertise dans la caractérisation des personnages. Que ce soit Garrus, Tali, Joker ou encore Thane, chacun des membres du groupe du Commandant Shepard porte avec lui un vécu, qui le définit. Une densité qui passe par sa manière de s’exprimer et d’agir et donc par la qualité de l’écriture. Un élément central qui a laissé un petit mot d’absence dans Andromeda. Réagissant souvent en décalage total avec les événements, les équipiers du nouveau héros sont pour la plupart des fantômes qui peinent à s’incarner. Il serait tout à fait possible d’échanger les corps et les psychologies de toute l’équipe sans que cela soit choquant.
Quelques uns sortent du lot, notamment à la suite de leur mission de loyauté qui les révèlent davantage, mais le casting dans sa globalité n’est à aucun moment mémorable. Même sans projeter d’attente spécifique sur la licence Mass Effect, la déception est présente, ne serait-ce qu’en comparant avec Dragon Age Inquisition ou Tyranny. Le jeu veut raconter des choses ; il y a un travail manifeste sur la richesse de son univers, sur le nombre de PNJ avec qui discuter, et sa cohérence. Mais par ce défaut d’écriture, il perd vite pied et devient de plus en plus vaporeux. Il faut se rendre à l’évidence, Mass Effect Andromeda tente d’accrocher le joueur par un autre angle. Et celui-ci est tout de même plus maîtrisé. Accélérant vers du TPS pur et dur au fil de ses épisodes, la série d’Electronic Arts passe aujourd’hui un cap . Andromeda a tué l’aspect tactique d’un petit coup de schlass dans la carotide et a enterré le corps dans les fourrés. Esquive nerveuse, jet-pack, corps-à-corps d’une efficacité redoutable, le salut se trouve dans l’action. Et de ce point de vue, Bioware Montreal a réussi à concevoir un des gameplays les plus agréables du genre. La couverture automatique se montre fiable et la possibilité d’utiliser le relief a son avantage multiplie les situations d’attaques.
Une donnée qui confère à ce Mass Effect une nouveauté de taille, un level-design inspiré, voire un level-design tout court. Les combats rivalisent de moments de bravoure et le joueur a toujours la main sur les événements, peu importe son approche. L’esquive joue énormément sur cet état de fait, rendant la prise de risques acceptable. Elle ne facilite en rien les fusillades, mais donne une porte de sortie jouissive en cas de coup dur. D’autant que certaines builds de compétences favorisent des allers-retours réguliers au centre du conflit. Une disparition du seul et unique “job” plutôt bienvenue, rognant pourtant encore sur la notion de définition précise de son personnage, mais qui apporte une souplesse agréable en lien avec ce focus sur l’action. Lacune pour un Mass Effect classique, bien vu pour un TPS efficace qui emprunte une licence. Et il ne faut pas en espérer davantage. Car dans ce monde de laser et de violence, les décisions ne comptent pas, le passé a disparu et les références sont une simple toile de fond sur laquelle a été jeté un contexte space-opera. Les errances de conception, les bugs, l’animation singesque, tout cela nuit évidemment au projet mais n’est que secondaire. Mass Effect s’est perdu dans une nébuleuse qui regarde davantage vers SyFy que vers Dan Simmons. Tout dépend ensuite si c’est le “TPS exploratif” que le joueur recherche ou l’aventure narrative. Il passera alors d’un contentement relatif dans le premier cas à une mélancolie atterrée dans le second. Shepard ne nous avait pas préparé.
- Développeur : Bioware Montreal
- Éditeur : Electronic Arts
- Genre : TPS-RPG
- Date de sortie : 23 mars 2017
- Supports : PS4, Xbox One, PC
- PEGI : 16 ans et plus
- Site officiel : https://www.masseffect.com/fr-fr
- Mass Effect Andromeda est une autre galaxie. Un endroit où les lois de la physique sont chamboulées, où les impératifs, la logique n'ont plus la même forme. Venant à la suite de l'une des trilogies les plus marquantes de ces 10 dernières années, le jeu de Bioware Montreal ne semble pas savoir qu'une histoire s'est déroulée avant son arrivée dans ce nouveau système. Miroir total des autres épisodes de la série, Andromeda réduit l'écriture à une petite chose fragile qui peine à survivre et fait du gameplay le moteur de l'intérêt. Le constat arrive aussi vite que les regrets, la saga spatiale est désormais un TPS avec quelques reliques de RPG à l'intérieur. À l'image de ces temples d'une intelligence alien supérieure à explorer dans le jeu, gorgés d'énigmes sympathiques par ailleurs, Mass Effect Andromeda est le moteur d'un nouveau départ. Sauf surprise sur un potentiel deuxième épisode, la conception des personnages, les rapports intimes liés avec eux, la notion de camaraderie et de confiance jusqu'à la mort, sont abandonnés sur un vieil astéroïde sans espoir de retour. Vide de sens et cherchant à capter un nouveau public adolescent qui aime la vanne fraîche et moyennement drôle en pleine fin du monde, Mass Effect Andromeda ne marche plus du tout quand il tente de singer ses prédécesseurs. À part quelques fulgurances, le jeu ne semble pas assumer son héritage. Finalement, pour ne pas être déçu, il faut le prendre comme un TPS de très bonne qualité, bien fichu dans ce qui est important pour lui, à savoir le rythme et le gameplay. Proposant des panoramas magnifiques malgré un manque cruel de vie, Andromeda conserve au fond une étincelle d'exploration de l'inconnu, toujours entraînante et fascinante. Mais elle est désormais à peine perceptible. Comme une étoile dont la lumière nous parvient encore malgré sa disparition.
4 commentaires
Doomsday
27 mars 2017 à 23 h 23 minUn bon Mass Effect, mas bien en deçà de ce qu’on pouvait en attendre :-/
foumarc
30 mars 2017 à 12 h 55 minJolie conclusion…
Dommage pour cette suite qui semble moyenne… Mes attentes sont ailleurs. Il est peut être préférable de rester sur la trilogie que de vouloir à tout prix remettre le couvert, et le remettre plus pour les nouveaux joueurs que pour les fans de la saga.
ThaneKrios
3 avril 2017 à 14 h 28 minJe l’ai commencé ce weekend et le problème c’est que j’ai trop lu les critiques avant d’y jouer. Maintenant je ne fait qu’attention aux animations faciales et je reste à l’affût du moindre bug alors qu’en soit c’est un bon jeu. C’était difficile de trouver un meilleur synopsis pour un Mass Effect (c’est super motivant de commencer le jeu en se prenant pour un pionnier au service de son espèce). Cependant je dois admettre que les menus sont laborieux, encore plus que dans la trilogie et en 2017 avoir un outils de création de personnage aussi famélique c’est un scandale. Mais en HDR, casque 5.1 vissé sur les oreilles c’est un sacré spectacle pour les fans de ME quand même.
Taupkipouss
3 avril 2017 à 16 h 14 minPersonnellement je n’attendais rien de ce Mass Effect, tout du moins rien part rapport à la Trilogy. Mais il est bien mieux que ce que j’espérais !
Alors oui, la création de personnage est scandaleuse pour un jeu AAA en 2017 et les visages sont figés. Mais le gameplay est extrêmement jouissif, nerveux (point noir sur la limite d’utilisation des skills, fuck les manettes de consoles) et l’IA des ennemis est superbe et nous met constamment en danger.
L’histoire est totalement différente de la trilogy, on passe du super-soldat qui transpire le charisme, la classe et l’assurance qui doit sauver 56 fois la galaxie en trois jeux, au petit humain caché derrière la forte image paternel (point charisme pour le padre que j’adore dans l’introduction du jeu), qui se retrouve endossé un rôle pour lequel il n’était pas forcément préparer. On est dépaysé face aux Kerts (petit point “plagiats” de la technologie Grieeners dans Warframe, arme et vaisseau exactement pareil mais ça c’est du détail, c’est plus marrant qu’autre chose) qui sont menaçant, mystérieux et puissants.
En bref:
Beaucoup de bugs, des visages inexpressifs et peu varié (un seul modèle de visage pour les asaris, juste les peintures faciales qui diffèrent sauf Peebee), une création de personnage très pauvre, des Angaras sympa mais peu innovant.
Mais, un gameplay nerveux et dynamique, Ryder très charismatique bien que très différent de Shepard, un équipage attachant, malgré des personnages en deçà (Liam), des superbes planètes immenses, des ennemis mystérieux et intriguant, et une trame digne d’un superbe space opera qui est à la hauteur des Mass Effect.