Son arrivée tardive en Europe il y a douze ans sur GBA ne l’aura pas empêchée de compter aujourd’hui un nombre considérable de fidèles dans l’Hexagone. Série pionnière en matière de T-RPG sur consoles, la franchise Fire Emblem revient en force cette année en s’offrant un triptyque de haute volée. Trois jeux/campagnes à découvrir séparément ou dans leur ensemble pour cerner ce qu’est véritablement Fire Emblem Fates sur 3DS. En toute logique, nous consacrerons donc trois tests bien distincts à Fire Emblem : Héritage, Conquête et Révélation.
Bien que le choix de la triple version puisse légitimement laisser à penser que l’on a affaire à une déclinaison facile d’un seul et même jeu suivant le modèle d’un Pokémon (pour ne citer que lui), le cas de Fire Emblem Fates s’inscrit pourtant davantage dans la veine d’un Zelda : Oracle of Ages/Seasons. Comprenez par là que, si le background des trois campagnes est plus qu’intimement lié d’une version à l’autre, leur déroulement n’a en revanche pas grand-chose en commun, ne serait-ce que parce que l’histoire nous offre trois points de vue bien différents sur la guerre opposant le royaume de Nohr à celui de Hoshido. L’un vous a vu naître, l’autre vous a vu grandir, et vous devrez rapidement faire un choix qui déterminera toute la suite de l’aventure selon la patrie que vous aurez décidé de rejoindre dès le chapitre six.
Certes, on pourra regretter que l’éditeur nous oblige à investir trois fois pour connaître l’ensemble des ficelles narratives du triptyque, mais chacun de ces trois jeux (y compris le DLC Révélation qui comporte autant de chapitres que les autres) jouit d’une durée de vie digne de celle de Fire Emblem : Awakening. Le joueur n’a donc aucune raison de se sentir lésé, d’autant qu’il peut se limiter, s’il le souhaite, à n’importe quelle campagne ou les parcourir dans l’ordre qui lui semble le plus profitable.
La voie de la paix et du bushidô
La logique préconise malgré tout de démarrer la découverte de Fire Emblem Fates par l’épisode Héritage qui a le mérite d’être plus accessible que Conquête et d’offrir une première approche narrative idéale pour bien comprendre quels sont les enjeux du triptyque. Notre avatar, dont le nom par défaut est Corrin et qui peut être défini comme un personnage féminin ou masculin, est tiraillé entre la famille royale de Hoshido qui l’a vu naître et celle de Nohr qui l’a certes kidnappé jadis mais qui s’est ensuite chargée de l’élever comme un membre à part entière de son royaume. Dans Fire Emblem Fates : Héritage, Corrin décide de faire le choix du sang en rejoignant le camp des guerriers de Hoshido alors que les deux factions sont sur le point de se livrer une guerre sans pitié. Il/elle devient dès lors un(e) traître(sse) aux yeux de ceux qui l’ont élevé(e), ces derniers lui reprochant d’avoir choisi la lumière en laissant les Nohriens croupir dans les ténèbres.
Marquée par une tonalité très orientale, cette campagne dégage une atmosphère assez nouvelle dans la série qui se laisse apprécier sans difficulté. Mené par le charismatique bretteur Ryoma, détenteur du katana Raijinto imprégné de lumière, le peuple hoshidien s’évertue à suivre honorablement le code du bushidô et abrite une majorité de ninjas experts en lancers de shurikens et d’aspirants samouraïs. Représentation hypothétique d’un Japon de l’époque féodale, cet univers fascine autant qu’il dépayse, à l’image de ses leaders de sang royal. La reine Mikoto, mère de Corrin, en impose par sa bienveillance, sa noblesse de cœur et sa dignité naturelle. Sakura, sa plus jeune fille, est l’incarnation même de la vertu et se dévoue corps et âme à la protection des autres, oubliant presque de vivre pour elle-même. Plus indépendant, l’archer Takumi sait qu’il peut se fier en toutes circonstances à la précision des flèches qu’expédie son arc légendaire Yumi Fujin, tandis que l’aînée de la fratrie, Hinoka, ne se préoccupe que de devenir la plus vaillante guerrière pégase que le Hoshido ait connue.
De manière plus ou moins prononcée, tous ont néanmoins été marqués par la disparition de leur frère/sœur Corrin que leur avait pris(e) le royaume de Nohr, ajoutant encore un peu plus à leur volonté d’en découdre avec le roi Garon et ses troupes. À leurs côtés, les troupes hoshidiennes comptent en leur sein des unités totalement inédites dans la série Fire Emblem, typiques du Japon féodal d’inspiration fantastique et issues de différentes tribus (feu, vent, etc). Ainsi, les mages sont des devins qui font jaillir des esprits d’animaux tels que le rat, le tigre ou le mouton de différents parchemins. Ils peuvent être promus en onmyôji (le onmyôdô étant la voie du yin et du yang), devenant alors l’équivalent des exorcistes maniant les tomes et les bâtons, ou en basara qui s’apparentent à des lanciers capables de jeter des sorts. Les lances deviennent d’ailleurs ici des naginatas, apanage des chevaliers kinshi qui survolent les combats depuis leurs créatures ailées et qui sont aussi de très bons archers. Enfin, à l’image des dracopierres, on trouve dans Héritage des bestipierres capables de changer certaines unités en renards (appelés kitsune ou kyûbi lorsque l’unité est promue).
Bien sûr, l’attirail vestimentaire s’adapte aux consonances asiatiques, et on ne s’étonne pas de croiser des maîtres oni arborant des masques de tengu ou des ninjas juchés sur des marionnettes à quatre pattes qui forment la nouvelle classe de machinistes. Tous ces nouveaux jobs impliquent évidemment leur lot de techniques inédites et originales, comme le dédoublement qui crée un clone bunshin de son utilisateur. Et, si les ennemis nohriens se montrent beaucoup plus classiques car ancrés dans l’univers médiéval occidental, les adversaires sans nom croisés au détour de quelques batailles isolées parviennent néanmoins à surprendre par leur faciès déroutant, tels ces animalithes à tête plate qui projettent des pierres à distance et qu’on peut admirer dans la superbe cinématique d’introduction. Rarement un épisode de Fire Emblem aura su se montrer aussi rafraîchissant au niveau du background, même si la trame narrative en elle-même n’est peut-être pas aussi bien ficelée ni aussi surprenante qu’on le voudrait.
Quant à notre avatar Corrin, comme le souligne un maître d’armes anonyme reclus au fin fond du désert, il est celui qu’a choisi la divine lame Yato, une arme légendaire amenée à évoluer plusieurs fois au fil de l’aventure. Corrin est aussi le seul Lord de la franchise à pouvoir recourir aux pouvoirs d’une dracopierre pour se transformer en dragon. Dans Héritage, sa promotion lui donne même accès aux bâtons de soin. Malgré tout, son potentiel offensif et défensif reste mesuré dans le jeu et le challenge de la version Héritage se révèle extrêmement bien équilibré. Non seulement les trois niveaux de difficulté permettent d’adapter le jeu à notre propre degré de maîtrise, mais on est également libre de choisir d’activer ou non l’option de résurrection des unités mortes en fin de bataille. Pour la première fois, un mode Phénix a même été intégré pour aider n’importe qui à atteindre la conclusion sans coup férir en faisant renaître tous ceux qui ont péri dès le tour suivant ! Certes, l’option Phénix est franchement abusée mais cela évite la frustration de rester bloqué avant la fin du jeu et les développeurs n’obligent personne à en passer par là.
Les justes ont tous les droits
D’une manière générale, Fire Emblem Fates : Héritage retient le meilleur de ce qui s’est fait dans la série pour proposer une expérience de jeu vraiment complète. Techniquement, le titre impressionne moins qu’à l’époque de la sortie d’Awakening mais les combats ont le mérite de se dérouler à l’endroit exact où l’affrontement s’est déclenché et reprennent donc les mêmes environnements que ceux que l’on peut voir sur la map (escalier, rivière, etc). Dommage, en revanche, que les voix ne soient que ponctuelles et en anglais uniquement.
Loin de la linéarité des premiers épisodes où l’on ne pouvait qu’enchaîner les batailles les unes après les autres sans s’écarter de la quête principale, on trouve désormais bon nombre de missions optionnelles qui permettent, entre autres, d’améliorer ses personnages ou d’en recruter de nouveaux. A l’instar d’Awakening, les missions annexes sont toujours l’endroit privilégié pour rencontrer et enrôler les enfants de la génération actuelle via le portail menant aux Terres Oubliées. Une descendance qui ne survient évidemment qu’après avoir établi des mariages entre ses différentes unités, et donc à l’issue de nombreux combats livrés côte à côte pour accéder aux soutiens de rang S. D’où l’intérêt d’accéder à une infinité de missions facultatives, ce que ne propose justement pas la mission Conquête. Contrairement à cette dernière, et au risque d’offrir des possibilités de level up un peu trop nombreuses, Héritage multiplie ainsi les défis accessibles depuis la map, l’option “Reconnaissance” permettant même d’en générer d’autres de difficulté variable, moyennant une certaine somme d’argent.
Qui plus est, l’abandon de la durabilité des armes, en dehors des bâtons, permet d’user et d’abuser de la puissance des meilleures d’entre elles, celles-là même que l’on économisait jusqu’au bout dans les autres volets de la série (armes létales, cuiracides, besticides…). Une aide supplémentaire qui rejoint les autres trouvailles sympathiques proposées dans le volet précédent, à l’image des duos qu’on peut former à tout moment pour renforcer un assaut ainsi que du calcul des dégâts infligés et des ripostes à prévoir pour chaque tentative d’attaque, sans oublier l’indispensable sauvegarde. La principale nouveauté réside cette fois dans les veines dragunaires que peuvent activer les membres de la famille royale pour interagir de manières diverses avec l’environnement. À nous de voir à quel moment il peut être utile ou non de geler l’eau d’un lac pour le traverser, de déclencher des pièges, de construire des ponts, d’assécher des ruisseaux ou de changer des déserts en plaines, voire de créer carrément des zones de soin sur la map. Si l’idée renferme des subtilités réelles, on peut regretter que celle-ci ne soit pas davantage mise en avant dans les différents chapitres, y compris dans les missions annexes où l’on retrouve ces veines dragunaires moins fréquemment. Il en va de même des balistes et autres globes de feu permettant de cibler des unités à distance qui n’apparaissent qu’à de trop rares occasions.
Le jeu dans le jeu
En guise de pause entre chaque mission, Fire Emblem Fates intègre un quartier général à customiser assez librement en vue des attaques potentielles provenant des autres châteaux ainsi que la possibilité d’affronter d’autres joueurs via l’option StreetPass. Une invasion se traduit par le débarquement de troupes ennemies à anéantir en évitant qu’elles n’infligent trop de dégâts à nos installations, voire qu’elles ne s’emparent du trône, en essayant pourquoi pas de faire quelques prisonniers.
La construction d’automates et autres tourelles défensives permet d’endiguer même les assauts les plus redoutables, mais on peut tout à fait consacrer ses ressources à l’embellissement de son Q.G. et à l’amélioration de bâtiments tels que les forges, les magasins ou les sources thermales. En Hoshido, la rizière doit être vérifiée chaque matin et le gisement de corail chaque soir pour collecter les ressources qu’ils produisent. Veiller à ce que le dragon protecteur ne manque de rien et parier sur des combats en arènes ne sont que quelques-unes des autres activités régulières auxquelles on peut s’adonner quotidiennement entre deux batailles. Ajoutés aux conversations de soutien, ces à-côtés rallongent sensiblement la durée de vie du jeu, même si certaines trouvailles purement fan-service, comme les tête-à-tête dans les quartiers privés, paraissent un peu too much dans un Tactical-RPG.
- Développeur : Intelligent Systems
- Editeur : Nintendo
- Genre : T-RPG
- Support : 3DS
- Date de sortie : 20 mai 2016
- Site officiel : https://www.nintendo.fr/
- Annoncée comme la voie de la paix, la version Héritage de Fire Emblem Fates est effectivement le moyen le plus agréable de partir à la découverte du triptyque. Calibré pour s'adapter réellement à tous les types de joueurs, du plus néophyte au plus intransigeant des puristes, le titre permet d'apprivoiser en douceur les nouveautés de ce Fire Emblem, avec une infinité de défis optionnels à disposition. On lui reprochera simplement son manque de diversité dans les objectifs proposés, en dépit des trouvailles apportées par la notion de veines dragunaires. Ancré dans une ambiance ancestrale japonaise assez inhabituelle dans la série, Héritage donne réellement envie de s'investir davantage en partant ensuite directement à l'assaut du challenge que représente la version Conquête, et c'est justement là son but premier !
4 commentaires
Oppression
6 juin 2016 à 22 h 04 minTest vraiment intéressant et bien écrit comme d’habitude, hâte de lire les prochains pour me fixer définitivement si je dois prendre l’autre version ainsi que l’extension, c’est que ça revient cher tout ça :D
Browarr
7 juin 2016 à 15 h 38 minMerci pour ce test !
Jigs
7 juin 2016 à 16 h 37 minMerci pour ce test Valérie !
Sebastopol
8 juin 2016 à 8 h 40 minSérie que je suis depuis “Shadow Dragon” sur DS, celui-là me donne extrêmement envie! Critique JV très intéressante de ta part Valérie! Refais des vidéos pour Extralife, cela serait génial!